En l’an 2 de la pandémie, j’ai besoin d’air. Envie d’espace, de sensation de liberté et d’air frais.
Nous avons décidé de partir en road trip en Suède avec nos 3 enfants. Dont deux adolescents et un petit de 6 ans. Quelle belle idée en théorie. Quelle aventure dans la pratique. Je suis sûre que vous connaissez tous ce monde Théorie, celui qui devrait exister quand nous programmons. Celui que nous rêvons et qui souvent est en décalage avec la réalité vécue.
Et l’aventure n’est pas dans les activités que nous faisons mais dans le voyage que nous menons. Chacun sa place attitrée dans la voiture et dès que nous effectuons un trajet supérieur à 2 heures, le chaos s’installe inévitablement.
L’étincelle part souvent du plus petit qui s’ennuie, mais pas toujours ….
Un regard, une réflexion, un pet, un cri, un mot ou un regard de travers,….
Et très vite le feu s’embrase. Tous coupables à tour de rôle, avec chacun nos comportements spécifiques. Il est sûr que les adolescents démarrent plus vite que les adultes et sont moins tolérants. Quoi que cela dépende de nos états de fatigues respectifs et de nos états émotionnels du moment.
Et pour effectuer 4 000 kilomètres en 3 semaines, il y en a des trajets de plus de 2 heures….
Il y a quelques jours, à environ 2 000 km, ma fille m’a dit de manière assez brutale que je vis dans ma tête. Cette phrase est arrivée au milieu d’un de nos multiples brasiers routiers.
Peu importe l’étincelle qui a mené à cette réflexion, ce fût un choc. J’avais juste envie de lui coller une claque pour cette réflexion impertinente à sa mère et reprendre le contrôle. Mais dans notre groupe nous ne reprenons pas le contrôle par la force. Et j’ai décidé (en me faisant violence) de ne pas répondre afin d’éteindre ce feu qui nous brûlait un peu trop.
De plus, son ton était si insolent que plus personne n’osait rien dire sentant qu’une limite avait été dépassée. Le silence s’installa.
Et oui avec toutes ces années de développement personnel j’ai décidé que je ne devais pas céder à la colère qui est souvent liée à des émotions non guéries de mon passé et qui refont surface à la moindre occasion. Je pense que je ne suis pas là pour « mater » mes enfants et qu’ils correspondent à mes attentes. Et que j’ai plutôt un rôle de guide pour les aider à devenir qui ils sont. Que je n’ai pas toujours raison et je les ai accompagné jusqu’à ce jour en partant du principe que leur parole a autant de valeur que la mienne. Le cadre que je leur impose, je me l’impose aussi.
Là aussi c’est un voyage très aventureux entre Théorie et Réalité. Un voyage sans fin je crois.
Alors, après avoir ressassé la scène de multiples fois tout en conduisant, la colère s’est effacée car je me suis rendue à l’évidence qu’elle avait raison. Elle avait raison pour cette situation précise mais grâce aux kilomètres qui défilaient j’ai pu me rendre compte que c’est une habitude chez moi. Des flashs back m’ont donné de multiples exemples et j’ai même pu faire des liens sur des évènements vécus ces 9 derniers mois.
Conduire induit des états hypnotiques encore appelés états modifiés de conscience et ces longs trajets ont accentué mon discours intérieur qui a pris le dessus.
Malheureusement je suis loin d’être quelqu’un d’apaisé. J’ai beaucoup de démons et je suis rarement tendre avec moi-même.
J’ai pu me rendre compte que depuis quelques jours j’avais dévié. Je ne sais jamais quand, comment ou pourquoi je prends la tangente et m’éloigne de ce lieu ou je suis ancrée. Peu importe c’est ma réalité alors je l’accepte.
Mes pensées tournent autour de mon apparence physique en lien avec mon poids mais aussi avec les signes de l’âge (cheveux blancs, rides, peau flasque,…). Je ne vais pas les chercher ces pensées, elles sont là et je n’arrive pas à m’en débarrasser au point que je finis par ressentir mon corps comme tel : gros et vieux.
Et cela me préoccupe car il y a une chose que j’ai apprise sur mon chemin c’est que ce ne sont que des pensées et qu’elles ne sont pas le reflet de la réalité. Mais qu’à force de les garder avec moi, ces pensées finissent par créer tout ce qui est nécessaire à leur réalisation.
Je ne sais pas si vous me suivez mais en gros il s’agit de dire que ce que je vis à l’intérieur créé ce qui se passe à l’extérieur, un peu comme un conditionnement. Donc depuis que j’ai pris conscience de la présence permanente de ces pensées depuis quelques jours, je lutte avec elles afin de ne pas les laisser prendre le contrôle et ne pas rentrer dans la spirale infernale des troubles alimentaires.
Et en cette belle journée, nous faisons une pause dans un lieu public au cours de notre journée.
J’attends tranquillement mon tour pour aller aux toilettes. Rien de glamour ! Et puis comme toujours j’observe les êtres vivants autour de moi. C’est une fâcheuse habitude que j’ai. Ma princesse aux petits pois me reprend tout le temps en me demandant d’arrêter de fixer les gens. Elle me dit souvent que je ne suis pas discrète. Mais je n’y peux rien je suis absorbée par les individus et alors je perds la notion du temps et de l’espace, je suis « ailleurs ». Encore un état modifié de conscience…
Me voilà donc perdue dans mes pensées liées à ce sur quoi mon regard se pose, quand tout à coup….
Mon regard se pose sur….. une femme et mon esprit commence à partir ailleurs et analyser et projeter quand je me rends compte qu’il s’agit de moi.
Je n’avais pas identifié le miroir, et je suis alors restée interloquée de ne pas m’être identifiée de suite.
Et il m’a fallu un temps de réflexion pour intégrer l’ensemble de la scène que je venais de vivre car le décalage entre le dedans et le dehors était majeur. Je n’ai pas vu une femme grosse et vieille.
C’est la sensation que j’ai eu pendant ce temps très court -entre le moment où je me regarde comme une personne inconnue et ce moment où je me reconnais- mais qui m’ a paru une éternité. Le temps dans le monde physique matériel fut très court, tandis que celui que j’ai passé dans le monde immatériel de la pensée m’a emmené très loin.
Et cela m’a ouvert à une autre vision de moi-même. Comment est-il possible que ma perception du réel entre le dedans et le dehors soit si différente au même instant en fonction de où je suis positionnée.
C’est un peu comme si je m’étais vue avec les yeux de quelqu’un d’autre qui est moi même…
Jeanne Bernard ❤️
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